J’ai déjà écrit, le 1er février, un article sur la difficulté de porter un masque à Paris pour un chinois/asiatique à ce moment-là.

Après une 1ère période de hésitation et de communication un peu maladroite du gouvernement français, la France est maintenant entrée dans sa 5ème semaine de confinement, et les rues de Paris sont presque désertes. Pour quelqu’un comme moi qui a déjà assisté à la distance la ville de Wuhan assiégée au début de cette année, ce scénario et ces scènes d’une ville animée soudainement figée et vidée de ses activités me paraient tellement familiers mais en même temps tellement différents.

En Chine, le confinement et le port de masque ont été exécutés à la lettre par presque tous les chinois très volontairement même farouchement, et une organisation de suivi et de surveillance efficace a été aussitôt mise en place : prise de température à l’entrée de chaque résidence, nettoyage minutieuse et fréquente des lieux et des équipements publics, traçabilité de porteurs de virus via l’application mobile, port de masque et distanciation sociale systématiques pour tout le monde… et les chinois attendent toujours encore plus des mesures fortes de la part des autorités locales et du pouvoir central afin de les protéger davantage.

En France, le confinement et les autres décisions sanitaires et politiques suivent un processus un peu plus compliqué : réalité du manquement de masques, concertation quasi obligatoire avec les différents comités d’experts et les partis d’opposition, débat médiatique, recherche d’un point d’équilibre entre l’économie, la santé et la liberté individuelle… Pendant la période de confinement, tout est essentiellement basé sur l’autodiscipline et la responsabilité personnelle de chacun : dans mon quartier à Paris, je n’ai vu ni les policiers ni les volontaires de maintien de l’ordre du quartier, qui sont assez présents en Chine, et j’inquiète presque quand je vois que certains de mes voisons profitent du soleil radieux dans le petit jardin de la résidence sans masque ni aucune distance sociale avec leurs enfants et voisins ; dans la rue, le nombre de joggeurs augmente inhabituellement.

Les raisons profondes derrière toutes ces apparences diamétralement opposées sont en effet très culturelles, sociologiques, géographiques et économiques.

En effet, le collectivisme, c’est à dire l’effacement de soi, l’obéissance à la hiérarchie et l’attente d’un leader providentiel, fort et sauveur font la partie intégrale de la culture chinoise, et l’autorité affichée, la sévérité et l’utilisation des données privées ne sont jamais un problème en soi si la motivation est considérée juste. Par ailleurs, le volume migratoire particulièrement important de la population pendant la période du nouvel an chinois a forcé le gouvernement chinois à prendre une décision drastique et vite laquelle consiste à confiner la ville de Wuhan dès la fin du janvier afin de couper court tout mouvement de la population de cette ville vers l’extérieur.

Il faut savoir que la Chine est également un pays subissant régulièrement des catastrophes naturelles, son peuple est très sensible aux aléas peu amicaux de la nature et a une conscience aiguille de se protéger et de ne pas prendre des risques. Pour finir, la pollution de l’air et la densité de la population dans ses grandes villes ces dernières décennies font également qu’un chinois porte facilement un masque pour se protéger, tout en même temps protéger les autres…

Concernant la France, depuis la 2ème guerre mondiale, le pays vit continuellement dans une économie prospère, et ce avec un environnement naturel privilégié, doux et agréable : les français, comme beaucoup de ses voisins européens, ont une très forte confiance en soi, aussi bien au niveau de leur physique que celui de leur intellect, et en son système de santé, pensent que peu de catastrophes du type covid-19 peuvent leur arriver, même si c’est le cas, cela devrait semble une grosse grippe! Je suis convaincue que la majorité de français ne pouvaient pas imaginer et ressentir le douleur atroce des habitants de Wuhan à ce début de l’année, pourtant ils ont vu l’actualité spectaculaire à la télé, mais pensaient surement que cela ne serait jamais arrivé en France pour X raisons. La perte du jugement collectif presque inévitable sur la fragilité de la vie humaine et les risques existentiels de cette dernière, grâce à ou à cause de la réussite matérielle et du progrès technologique du pays lesquels ont réussi à le protéger jusqu’à alors, a pris les français de court face à la pandémie.

Sur le plan culturel*, le fait d’accepter unanimement le confinement, le port de masque et la traçabilité de tout mouvement d’une personne par tout un pays est simplement inconcevable : où sont l’esprit critique et la liberté individuelle, les deux valeurs si fondamentales et précieuses aux yeux des français ? Oui, le général De Gaulle a déjà dit il y a plus de 50 ans « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage », qui est la France.

Mais c’est ainsi la beauté d’un monde multilatéralisme, un pays n’arrive jamais à copier totalement les savoirs faire et être de l’autre, grâce à leur différence, notamment culturelle.

* Dans cet article, je ne souhaite pas développer le sujet sur les erreurs stratégiques au niveau de la santé public commises par les gouvernements français successifs ces derniers temps, lequel est un autre débat.